Malgré la mise en place du dispositif de mobilité bancaire qui facilite le changement de banque, peu de Français ont finalement changé de banque. Une récente enquête montre que 1,2 million de demandes de transfert de compte ont été effectuées depuis le début de l’année 2017, une proportion relativement faible par rapport aux 80 millions de comptes bancaires ordinaires. Comment expliquer la réticence des Français à l’idée de changer de banque ? Explications.

Plus d’un million de mandats de mobilité signés en moins d’un an

Comme prévu, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a réalisé un premier bilan du service de mobilité bancaire introduit par la loi Macron. Pour rappel, ce volet, entré en vigueur le 6 février 2017, a pour objectif de faciliter le changement de banque et de renforcer la concurrence entre les banques de détail. Le mandat de mobilité introduit par la loi, une fois signé, permet au particulier de déléguer au nouvel établissement la prise en charge du changement de domiciliation bancaire, à savoir : le transfert des opérations récurrentes, la communication des nouvelles coordonnées bancaires aux émetteurs de virements et de prélèvements.

Le 6 février 2018, soit un an après la mise en place du dispositif de mobilité bancaire, 1,2 million de demandes de changement de banque ont été traitées, un chiffre peu élevé au regard des 80 millions de comptes à vue en France. Ce n’est pourtant pas faute de communication : selon un sondage commandé par le CCSF, près de 70 % des Français savent qu’ils peuvent en bénéficier. Un rapport du Comité consultatif du secteur financier montre par ailleurs que la mobilité bancaire aurait diminué depuis sa mise en place, passant de 7,6 % à 1,5 % en près de 8 ans.

Les failles de la loi clairement identifiées

Ce bilan mitigé n’est pas surprenant. En effet, si le dispositif de mobilité bancaire est utile, il reste incomplet puisqu’il ne s’applique qu’au compte courant. De fait, il est encore impossible de procéder au transfert d’autres produits d’épargne tels que les livrets ou les assurances-vie. Le titulaire du compte qui détient des produits d’épargne n’a donc pas d’autre choix que de les clôturer pour en ouvrir de nouveaux dans sa nouvelle banque. Mais cela n’est pas sans risque : pour un contrat d’assurance-vie par exemple, cette opération fait perdre l’antériorité fiscale et les éventuels avantages fiscaux. De plus, ce dispositif ne concerne pas le crédit immobilier alors que l’obtention d’un prêt s’accompagne généralement de la domiciliation des revenus dans la nouvelle banque. Il faut préciser que, pour les détenteurs de prêts immobiliers, le taux de mobilité bancaire pourrait diminuer dans les prochaines années. En effet, une ordonnance en vigueur depuis le 1er janvier 2018, donne la possibilité aux banques d’imposer, en contrepartie d’un avantage tarifaire sur le crédit, aux demandeurs de domicilier leurs revenus dans l’établissement prêteur pendant une durée maximale de 10 ans. Cette mesure les empêche alors de changer de banque durant cette période. A terme, près d’un tiers des Français pourraient ne plus être en mesure de faire jouer la concurrence pour bénéficier des meilleurs tarifs bancaires.

D’autres lacunes figurant dans le sondage du CCSF concernent le fonctionnement du mandat de mobilité. Bien que 85 % des bénéficiaires s’estiment satisfaits de cette mesure, les difficultés ne sont pas rares. En effet, dans certains cas, les opérations récurrentes n’ont pas été domiciliées sur le nouveau compte. Résultat : 13 % des personnes interrogées ont dû réaliser elles-mêmes le changement de domiciliation. Enfin, plus d’un sondé sur 10 pointe la lenteur et les retards de cette procédure.

De nombreux Français multibancarisés

Face à ces nombreuses anomalies, les clients se retrouvent avec plusieurs comptes à vue. L’étude du CCSF indique que 60 % des sondés qui ont bénéficié du dispositif de mobilité bancaire ont conservé des produits d’épargne dans leur ancien établissement. De plus en plus de Français disposent d’un compte auprès d’un établissement bancaire traditionnel et un autre auprès d’une banque en ligne. Pour séduire toujours plus d’utilisateurs, ces acteurs n’hésitent pas à miser sur leurs tarifs attractifs. Grâce à cette stratégie, Revolut a par exemple passé la barre des 2 millions de clients, et Orange Bank vise les 2 millions de clients d’ici 2027. S’agissant des banques en ligne, Boursorama compte près de 1,5 million de clients, Fortuneo affiche 670.000 d’utilisateurs actifs, et BforBank en compte plus de 180.000.

Ainsi, en France, malgré le dispositif facilitant le changement de banque introduit par la loi Macron, le taux de mobilité reste faible, à 4,5 % par an en moyenne, contre 8 à 10 % en Europe. La majorité des usagers en sont satisfaits mais constatent des défauts de traitement (lenteur, retards, bugs…) qui doivent encore être corrigés. Pour le moment, changer de banque reste une étape anxiogène…